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COVID-19 Blog
18 June 2020

COVID-19 : le personnel soignant a vécu une crise sans précédent

Guest Commentary: Face au Covid-19, le personnel soignant a vécu une situation sans précédent dans des conditions extrêmement difficiles. Marie-José Robert, infirmière, raconte son expérience aux Hôpitaux universitaires de Genève.

Dans les premières semaines de mars 2020, les ventilateurs envahissent l’hôpital cantonal de Genève (HUG). Ce dernier devient le référent Covid-19 pour le canton. Les programmes électifs sont suspendus, seule l’urgence chirurgicale est maintenue.

Les départements des soins intensifs et d’anesthésie se mobilisent pour réinventer et restructurer l’espace hospitalier. Le personnel soignant est réquisitionné et les services de chirurgie sont libérés des patients susceptibles d’être pris en charge dans les cliniques genevoises. La chirurgie élective se transfère en périphérie.

Mes collègues et moi-même, infirmière spécialisée en soins intermédiaires, voyons nos horaires modifiés, nos vacances et récupérations suspendues et nos lieux d’affectation transmis au jour le jour. -- Sommes-nous prêts à accueillir les patients atteints par cette maladie virale que l’on connait si peu encore ? Je suis soignante en milieu hospitalier depuis 40 ans et je me transforme en « fantassin », avec ma tenue de protection et mon masque ! Oui, c’est ce sentiment de se battre contre un ennemi, la guerre contre le Covid-19 !

Le paysage hospitalier se transforme en camp de base. Tout le personnel est prêt à en découdre ! Les patients arrivent en masse aux urgences, ils sont pris en charge pour la plupart en salle de déchocage, impressionnés par les équipements des soignants. Ils décompensent rapidement, insuffisance respiratoire aigüe, ils ne disposent que de peu de temps pour prévenir leur famille. Ils sont inquiets, angoissés, il faut les rassurer…

Je suis, nous sommes, choqués par cette vision infernale : des patients alignés, intubés, à moitié nus, très instables et fragiles, qui ne seront pas tous sauvés. Les familles ne peuvent pas assister leur proche dans leurs derniers instants mais des permissions seront octroyées, trop insupportable pour les soignants. L’angoisse de la contamination, le stress de ne pouvoir gérer des soins très spécifiques, la peur de l’échec, de la mort, ces ressentis ont été dépassés par les décharges d’adrénaline qui nous ont permis à nous tous, soignants, de « faire face ». Il est important de souligner la pénurie de masques (FFP2 sous clé), de sur-blouses et de charlottes au début de la pandémie, indispensables à notre sécurité et celle des patients. Comment concilier une vie « normale » à l’extérieur avec un état de guerre sanitaire à l’hôpital ? Comment tenir sur la durée ? On tient grâce à l’incroyable énergie et la formidable collaboration entre soignants : médecins, infirmiers, aides-soignants ainsi que les autres personnels hospitaliers. On tient grâce à la féroce volonté d’en découdre avec cette maladie qui évolue chaque jour : défaillances cardiaques, rénales, neurologiques. Quand cela va-t-il finir ? Il faut imaginer la fatigue physique et émotionnelle, de ces longues heures affublées de nos tenues de protection, sur-blouses dans lesquelles nous suffoquons, masques FFP2, qui entament nez et oreilles et provoquent des escarres douloureuses.-- L’unité et la force des soignants a permis au long cours, de faire face à ce fléau. Cependant, le traumatisme s’est installé sans s’exprimer encore.

Nous sommes fonctionnaires à l’Etat de Genève, vivons en Europe, et soudain nous avons dû répondre à une crise sans précédent, gérer une situation à laquelle nous n’avons jamais été confrontée. Nous avons été massivement soutenus par l’armée suisse, qui a prêté main forte dans les services très chargés.

Aujourd’hui, le temps est à la reprise. Les patients sont de retour à l’hôpital pour les pathologies nécessitant une prise en charge mais certains ont souffert de cette attente prolongée.

Les ventilateurs Hamilton sont toujours présents aux HUG, en espérant qu’aucune nouvelle vague ne fasse son apparition à l’automne 2020.

Une grande lassitude se fait sentir « dans nos rangs », un symptôme post-traumatique ? Cet épisode, dans ma vie de soignante, à une année de la retraite, reste et restera un événement marquant autant dans ma vie professionnelle que personnelle.

 

Témoignage de Marie-José Robert, infirmière aux Hôpitaux universitaires de Genève

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