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Students & Campus
07 December 2020

Une architecture audacieuse pour la nouvelle résidence étudiante

Après la Maison des étudiants Edgar et Danièle de Picciotto construite en 2012, l’Institut de hautes études internationales et du développement (IHEID) est sur le point de livrer un nouvel édifice : la « Résidence étudiante Grand Morillon ». Située dans le quartier des Nations au Petit-Saconnex, elle permettra de loger près de 700 étudiants dès janvier prochain. L’ouvrage, aux lignes déconcertantes et dont le coût s’élève à 120 millions de francs, a été conçu par l’architecte japonais de renom Kengo Kuma. 

Interview de Pierre Guth, directeur des constructions.

23 février: Inauguration de la résidence étudiante du Grand Morillon

Rejoignez-nous le 23 février à 18h00 CET pour l'inauguration de la résidence étudiante du Grand Morillon. 

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La volonté de ce projet a toujours été de créer un environnement capable de générer une expérience de vie unique. Nous ne voulions pas simplement construire un bâtiment de logements étudiants.

-Pierre Guth

Pourquoi avez-vous implanté les deux bâtiments de part et d’autre d’une coulée verte centrale ? 

Pour le comprendre, il faut revenir à l’historique du projet : suite à diverses négociations, le terrain sur lequel nous nous trouvons aujourd’hui a été divisé en deux parcelles.

L’Organisation Internationale du Travail (OIT), propriétaire de l’une d’entre elles, décide en 2015 de la vendre à une Fondation privée genevoise qui soutient l’IHEID depuis longtemps. Une fois le terrain en sa possession, la fondation en question octroie un droit de superficie à l’Institut et contribue par des fonds propres à la construction des nouveaux bâtiments.

La seconde parcelle reste en mains de l’Etat de Genève, qui l’octroie en droit de superficie à la Fondation Terra & Casa et à Médecins Sans Frontières, afin que ces organismes développent leurs propres infrastructures (livraison planifiée en 2021-2022).

Pour les parcelles de ces trois Maîtres d’Ouvrage, un plan localisé de quartier (PLQ) commun est lancé en 2015, que j’ai eu la chance de piloter. L’Etat émet alors le souhait de faire passer la Promenade de la Paix - reliant à terme le lac à l’aéroport - au milieu des nouvelles constructions. La disposition des deux volumes bâtis de la Résidence étudiante Grand Morillon, reliés entre eux par une passerelle, en découle. 

C’est une petite ville qui est en train de naître ici, sur une surface totale de 20'000 m2. Pour cela, une étape incontournable a été celle des concours. Comment avez-vous procédé ?

Lors d’un premier concours, un architecte paysagiste a été sélectionné (bureau espagnol EMF accompagné de AB Ingénieur) pour l’ensemble du PLQ. Par le biais d’un aménagement extérieur harmonieux et ouvert au public, ce mandataire créera « le ciment » entre les trois projets. En ce qui concerne l’architecture, chacune des trois entités a mené son concours.

Pour l’Institut, nous avons lancé en mai 2017 un mandat d’études parallèles (MEP) international. 24 bureaux ont été invités, parmi lesquels 6 ont participé au second tour. C’est le projet de l’architecte Kengo Kuma (Tokyo), associé au bureau genevois CCHE, qui a été désigné comme lauréat. A l’issue d’un appel d’offres mené en 2018, la réalisation a été confiée à l’entreprise générale ComplexBau.

En travaillant avec un architecte japonais peu accoutumé au contexte genevois, n’aviez-vous pas la crainte d’aboutir à un projet déconnecté de la réalité locale ?

En effet, il a fallu composer…mais je dois dire que Kengo Kuma a une capacité extraordinaire de se réinventer à chaque projet et de l’adapter à la situation particulière. Ses propositions ont évolué au cours du MEP.

Et c’est à l’attention portée à tous les détails que se distingue un architecte de renommée internationale comme Kuma. Rien ne lui échappe !
 

Le bureau CCHE a également soutenu l’équipe japonaise, notamment en ce qui concerne les réglementations, normes, etc. Cette collaboration avait d’ailleurs porté ses fruits dans le passé, puisque les partenaires ont réalisé ensemble ArtLab, le fameux pavillon couvert en bois sur le campus de l’EPFL.     

Afin de créer un esprit communautaire entre les étudiants, étrangers pour une bonne part, le programme comprend 2000 m2 d’espace d’activités. Comment avez-vous disposé ces locaux ?

Plutôt que de placer les activités au rez-de-chaussée comme cela se fait traditionnellement, Kengo Kuma a eu une idée originale : les faire grimper à l’intérieur même du bâtiment par le biais de plateaux inclinés. Il a ainsi développé son concept de « balade graduelle ».

Visible de l’extérieur, un chemin taillé dans la façade du volume vitré s’élève en tournant le long du premier bâtiment pour rejoindre le second via une passerelle et poursuivre son ascension. Cette balade graduelle canalise les flux et favorise les rencontres, donnant ainsi vie aux deux bâtiments.

Au fil du parcours, les étudiants ont accès à : un shop avec juice bar, des salles d'études, un amphithéâtre, un café-restaurant avec sa terrasse sur la passerelle, un centre pour les associations, des espaces de réunion, un fitness à double niveau, une grande salle polyvalente s’ouvrant sur la toiture-terrasse panoramique, etc. S’ajoutent 26 cuisines communes que l’on distingue en façade par leurs grandes ouvertures.

La disposition des activités crée ainsi comme une brèche sculptée en façade que vous qualifiez de canyon…

En effet. Kengo Kuma aime jouer sur les contrastes entre le froid et le chaud. Ils se matérialisent de manière distincte : la façade est revêtue de métal et de verre, tandis qu‘à l’intérieur de cette brèche, le bois est retenu comme aspect dominant. 

A l’intérieur, les unités résidentielles sont conçues sur la base d’une trame compacte et fonctionnelle. Les revêtements en bois et le mobilier intégré sont préparés industriellement, livrés prêts à l’assemblage sur site. Remarquez ce joli « bench » très japonais - élément hybride servant à la fois de canapé et de coffre de rangement - installé au pied des fenêtres !

Les salles de bain individuelles (toilettes, lavabos et cabines de douche) sont fournies en tant qu’éléments préfabriqués, qu’il ne reste plus qu’à installer et à connecter aux réseaux techniques. 

Quelles sont les autres particularités du projet ? 

Kengo Kuma a imaginé une résidence qui se transforme au fil des heures, la rendant unique à tout moment du jour et de la nuit. Pour ce faire, des volets pliants en résille métallique percée sont fixés aux fenêtres. Déployés au gré des usages, ils laisseront passer un peu de lumière tout en offrant une réelle protection thermique.

Par ailleurs, la résidence sera raccordée au réseau à distance CAD pour la chaleur et au réseau GeniLac pour les besoins en refroidissement des espaces d’activités. L’ouvrage répondra au standard de Haute performance énergétique (HPE). Par ailleurs, une bonne partie des toitures sera végétalisée : sur deux d’entre elles prendront place des jardins potagers collectifs, alors que les autres seront aménagées de manière extensive et/ou couvertes de panneaux solaires photovoltaïques. Au sol, les plantations d’arbres formeront à terme une belle canopée. A l’entrée, une petite place d’aspect plus minérale servira de liaison avec les constructions adjacentes. Enfin, une rampe de parking commune est prévue pour desservir les trois projets. 

Quels seront les types de logements proposés aux étudiants ?

Ce sont au total 678 lits aux typologies variées qui seront mis à disposition des étudiants, à savoir : 515 studios individuels (équipés ou non d’une cuisine), 88 appartements comprenant une chambre, 6 appartements de deux chambres et 21 appartements de trois chambres. Avec cette nouvelle offre qui complètera celle de la Maison Edgar et Danièle de Picciotto, nous pourrons assurer aux étudiants un logement pour toute la durée de leur cursus. Notre but est de leur proposer un cadre de vie exceptionnel, dans lequel habitat et activités se marient judicieusement. Sans parler de la vue sur le lac et les Alpes dont jouiront les futurs résidents !

Cet entretien a été publié dans « Tout l’immobilier » le 7 décembre 2020. 
Propos recueillis par Véronique Stein.

 

Présent à Tokyo et Paris, professeur à la Graduate School of Architecture de l’Université de Tokyo, Kengo Kuma a acquis une réputation mondiale par des œuvres marquées par la réinterprétation de la tradition japonaise et qui se reconnaissent notamment par l’effort d’intégrer la nature dans la ville.

En Europe, il a réalisé le Conservatoire de musique et de danse d’Aix-en-Provence et l’immeuble « Under One Roof » de l’EPFL.

Il a été choisi pour construire le principal stade des Jeux olympiques d’été de Tokyo.

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