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Building Bridges
26 November 2021

La question des obligations

Lore Vandewalle est professeure associée au Département d’économie de l'Institut, où elle est titulaire de la chaire Pictet pour la finance et le développement. Elle est microéconomiste, spécialisée dans le développement et l’économie politique.

Ses recherches portent principalement sur l’inclusion financière et le développement des microentreprises en Inde, au Bangladesh et en Ouganda. Elle a également travaillé sur les réserves politiques et la fourniture de biens publics en Inde.

A l’occasion du sommet Building Bridges qui se tiendra à Genève du 29 novembre au 2 décembre, elle a invité un ensemble de contributeurs à s'exprimer dans Le Temps pour décrire la finance durable du point de vue académique, mais aussi de celui des praticiens.

quand votre investissement fait marcher des handicapés
 

par Gilles Carbonnier, Vice-président du CICR et professeur d'economie

Qui aurait pu prédire il y a deux ans l’ampleur de la pandémie de covid et son impact social et économique à travers le monde? Chaque jour, nous réagissons à des chocs externes et nous nous adaptons en conséquence. Dans les pays en guerre, ces chocs sont particulièrement violents pour les communautés qui sont, en plus, frappées par la pandémie et les changements climatiques. Pour répondre aux besoins accrus qui en résultent, le CICR a innové en émettant une première «obligation à impact humanitaire (OIH)». Nous avons très vite reçu le soutien d’investisseurs rompus aux risques financiers et de donateurs intéressés par ce nouvel instrument, qui est en train de faire une différence pour des milliers de personnes en situation de handicap.

Tabitha a perdu une jambe à la suite d’une explosion à Maiduguri, au nord-est du Nigeria. Elle a trouvé un soutien médical et orthopédique auprès du CICR, elle gagne aujourd’hui sa vie comme couturière. Sans le savoir, des investisseurs suisses, belges ou allemands ont misé sur Tabitha et sa capacité à s’engager dans une nouvelle activité professionnelle.

Grâce à cette OIH lancée en juillet 2017, le CICR a en effet pu construire un centre de réadaptation physique à Maiduguri, ainsi qu’un autre à Mopti (Mali) et à Kinshasa (RDC). Ce mécanisme de financement a permis de mobiliser des investisseurs privés pour récolter 18,6 millions, ainsi que des bailleurs de fonds disposés à couvrir l’opération en fonction des résultats obtenus. Et si notre OIH a suscité l’intérêt d’investisseurs privés, c’est parce qu’elle offre la possibilité de générer un impact humanitaire en plus d’un retour sur investissement potentiel, en fonction des résultats humanitaires obtenus.

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la finance durable est-elle vraiment utile?


par Charles Wyplosz, professeur d'économie

Bien évidemment, la lutte contre le réchauffement climatique doit s’amplifier, et vite. Ce qui est très encourageant, c’est que les opinions publiques en sont désormais largement convaincues. Mais il y a aussi des raisons d’être inquiets. Cette quasiunanimité est devenue incantatoire. C’est à qui se déclare le plus déterminé à faire quelque chose de bien pour la planète. Par exemple, depuis quelque temps, dans leur grande majorité, les publicités vantent explicitement les vertus écologiques des produits qu’elles promeuvent. La conscience climatique est devenue un argument de vente. Cette banalisation est dangereuse, parce qu’elle crée l’illusion que les bonnes intentions vont réussir. Les gouvernements n’en font pas assez? Eh bien, nous les citoyens, nous prenons les choses en main! Mais savons-nous au moins si ça peut être vraiment utile?

Un bon exemple de cette question concerne la finance durable. Cela fait des années que les banques sont incitées à cesser de financer les activités qui dégagent du carbone dans l’atmosphère. La logique est apparemment impeccable. L’argent est le nerf de la guerre, c’est bien connu. Si les entreprises polluantes n’arrivent plus à financer leurs projets, elles auront le choix entre changer de projet ou disparaître.

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