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Globe, the Graduate Institute Review
08 November 2022

L’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne : une périlleuse urgence

Le professeur Cédric Dupont analyse les différentes étapes qui attendent l'Ukraine jusqu'à son adhésion à l'Union européenne. 

Le 23 juin 2022, lorsque le Conseil européen confère le statut de candidate à l’adhésion à l’Union européenne à l’Ukraine, seulement quatre mois après la demande formelle de cette dernière, l’histoire semble s’emballer après trois décennies d’un graduel arrimage économique de l’Ukraine à l’UE.

La coopération étroite permise par l’accord d’association de 2017 ne pouvait plus servir de subterfuge à une perspective d’appartenance à un projet politique fort. Cette perspective arrive bien tard au vu des conséquences géopolitiques du rapprochement économique de l’Ukraine avec l’UE, et non sans effort pour trouver une autre solution en remettant au goût du jour l’idée d’un second cercle à connotation politique, appelé « communauté politique européenne », qui permettrait une « socialisation politique à deux sens » en attendant une éventuelle adhésion.

Il est certes trop tôt pour présumer du futur de cette communauté politique européenne mais pour l’Ukraine l’objectif ne peut être que l’adhésion à l’UE, notamment par la garantie d’assistance mutuelle (article 42.7 du Traité sur l’UE) qu’elle amènerait. Or la route vers cet objectif est certainement encore très longue. Elle devra d’abord passer par une phase d’assimilation de l’acquis communautaire, qui, lorsqu’elle aura été jugée suffisante par les instances communautaires et chacun des États membres, ouvrira la phase de négociation d’adhésion. Cette phase durera le temps nécessaire à la clôture des trente-cinq chapitres thématiques qui structurent les traités d’adhésion. Outre les difficultés juridiques, administratives et économiques, ce processus est continuellement sujet à des accrocs politiques. En témoignent en particulier les enlisements des processus pour l’adhésion de la Turquie, reconnue comme candidate à l’adhésion en 1999 avec ouverture des négociations en 2005, et pour celle de la Macédoine du Nord, reconnue comme candidate en 2005 avec ouverture des négociations en juillet 2022.

Si les conditions autour du processus d’adhésion de l’Ukraine semblent plus favorables – urgence créée par la guerre, appartenance indiscutable à l’Europe, absence de conflit territorial avec d’autres États membres –, les différentes instances communautaires ont clairement écarté la possibilité d’un processus accéléré. Car si l’urgence d’un ancrage politique est claire, la mise en place d’un État de droit et d’une reconstruction économique n’en reste pas moins indispensable. Cela pourrait justifier l’établissement de la communauté politique européenne, mais au risque toutefois d’être perçu comme un recul des promesses d’adhésion faites jusqu’ici. La gestion des attentes et des exigences des uns et des autres sera donc cruciale avec comme enjeu la stabilité du continent européen.

Cet article a été publié dans Globe #30, la Revue de l'Institut.