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Globe, the Graduate Institute Review
11 October 2021

Ré-enchanter l’Humain – Vers un impératif catégorique ?

Editorial de Marie-Laure Salles, directrice de l'Institut. 

Il était une fois la modernité prométhéenne… 

La croissance économique, qu’elle nommait progrès ou développement, était son horizon.

La technologie était son arme, la solution définitive, le révélateur d’un projet fondateur – celui du contrôle.

L’humanité prométhéenne affirmait sa projection de supériorité, de domination, en poussant toujours plus loin les frontières de ce projet : contrôle de la terre, contrôle des autres espèces, contrôle de la nature et de ses ressources, plus récemment contrôle de l’espace et, hubris ultime, contrôle de notre condition humaine.

Ou la fin de la mort comme frontière ultime !

Paradoxalement, l’humanité prométhéenne développait donc ces dernières années un projet dont l’aboutissement logique aurait dû être sa propre annihilation – l’apothéose transhumaniste comme moyen de dépasser la faiblesse, les limites, les erreurs, l’irrationalité, l’inutilité, la mortalité de l’espèce humaine. 

Prométhée semblait invincible sur sa lancée… lorsqu’un organisme invisible au nom presque poétique a imposé une rupture non anticipée.

Une fois n’est pas coutume, l’on pourrait presque envisager, presque espérer, que cette rupture ait sur le long terme un effet salutaire.

Les dix-huit derniers mois ont largement qualifié et montré les limites du projet de contrôle de la modernité prométhéenne.

Il nous faut réinvestir la relation d’interdépendance étroite qui nous lie à la terre, à la nature, aux autres espèces mais aussi les uns aux autres si nous voulons assurer la survie de notre propre espèce.

Nous avons pris conscience aussi pendant cette période, en profondeur et dans notre chair, que le progrès et le développement ne peuvent en aucun cas se réduire à la croissance économique.

La santé, la paix, l’équité, mais encore l’accès à l’éducation, à la culture et au lien social, sont, doivent être, des dimensions constituantes, au même titre que le bien-être économique, de notre projection vers un monde de progrès.

Nous avons pu mesurer, enfin, la puissance de l’outil technologique dans sa version digitale, son utilité indéniable. 

Mais nous avons aussi pris conscience, plus que jamais, de son autre visage – celui qui peut questionner et menacer nos démocraties, vider de sens nos liens sociaux, nous isoler même (au-delà des apparences projetées par les réseaux sociaux), et nous emprisonner dans un monde d’(auto)-contrôle virtuel qui au bout du compte nie notre Humanité. 

Et si la crise que nous traversons était une opportunité – celle d’affirmer l’urgence d’un nouveau projet collectif dont l’horizon serait de ré-enchanter l’Humain ?

Ces derniers mois, nous avons mobilisé toutes nos parties prenantes à l’Institut pour construire une nouvelle charte que nous vous présentons dans ces pages.

Cette charte devient notre boussole commune et elle pointe exactement dans cette direction. Comme le propose Felwine Sarr, qui a prononcé cette année notre conférence de rentrée, nous nous devons d’aller vers A RISE IN HUMANITY.

L’Institut, c’est indéniable, a un rôle à jouer dans l’affirmation collective de cet impératif catégorique !

Cet article a été publié dans Globe #28.