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Histoire Internationale
18 October 2018

Le chercheur postdoctoral Emmanuel Dalle Mulle est récompensé par le prix universitaire Latsis

Emmanuel Dalle Mulle est l’heureux lauréat du prix Latsis universitaire, décerné le 9 octobre dernier à l’Université de Genève.

Emmanuel Dalle Mulle est l’heureux lauréat du prix Latsis universitaire, décerné le 9 octobre dernier à l’Université de Genève. Ce prix a pour but d’apporter aux jeunes chercheurs un encouragement et une récompense en reconnaissance de contributions scientifiques et technologiques importantes et prometteuses, effectuées en Suisse.

De nationalité italienne, Emmanuel Dalle Mulle a effectué ses études en histoire internationale à l’Institut, où il a successivement obtenu un master et un doctorat. Il mène actuellement un projet de recherche intitulé « The Myth of Homogeneity : Minority Protection and Assimilation in Western Europe, 1919-1939 ». Ses domaines d’intérêt portent notamment sur le nationalisme, l’histoire de l’Europe occidentale, les minorités, la construction de la nation et l’histoire de l’État-providence.

Pouvez-vous présenter en quelques mots le contenu de la recherche qui a été récompensée par ce prix ?

Cette recherche, publiée dans l’ouvrage The Nationalism of the Rich: Discourses and Strategies of Separatist Parties in Catalonia, Flanders, Northern Italy and Scotland (Routledge), analyse des partis séparatistes de plusieurs régions européennes relativement riches par rapport au RNB moyen de l’État dont elles font partie. Ils tiennent un discours très fort de victimisation fiscale en soutenant que la région qu’ils représentent contribue trop aux caisses de l’État par rapport à ce qu’elle reçoit en termes de services sociaux et d’investissements publics. Comme le montre mon livre, cet argumentaire séparatiste de nature fiscale venant d’une région économiquement privilégiée est un phénomène récent. Il remonte au milieu des années 1970 et dépend de la création de l’État-providence et de la crise qu’il traverse. Toutefois, l’ouvrage souligne aussi qu’une analyse purement économique ne suffit pas à comprendre ce phénomène car des facteurs de nature identitaire sont fondamentaux pour déterminer la légitimité de la solidarité fiscale auprès de la population de la région que ces partis déclarent représenter.

En quoi l’Institut a-t-il été utile pour vos recherches ?

L’Institut a joué un rôle essentiel dans l’évolution de ma recherche à travers les cours que j’ai pu y suivre, la supervision de mon directeur de thèse – le professeur Andre Liebich – et les conseils prodigués par d’autres professeurs et chercheurs, sans compter un soutien financier et logistique. C’est certainement une excellente institution pour mener des recherches.

Votre concept de « nationalisme des riches » peut-il aider à comprendre la continuelle progression du parti d’extrême droite antimigrants Alternative pour l’Allemagne, crédité de 11 % aux dernières élections régionales en Bavière ?

Je ne connais pas en détail le cas spécifique de l’Alternative pour l’Allemagne, mais j’ai étudié l’agenda socioéconomique des partis de la nouvelle droite populiste européenne. Il y a clairement eu un changement dans leur discours au cours des deux dernières décennies. Alors que ces partis se concentraient principalement sur des questions identitaires, ils ont donné une attention de plus en plus accrue au contexte socioéconomique et commencé à soutenir des mesures que certains pourraient définir « de gauche », allant souvent jusqu’à « voler » des voix à la gauche parmi les couches les plus pauvres de la population. En agissant ainsi, ils suivent un modèle appelé « chauvinisme de l’État-providence », qui vise à préserver la sécurité sociale pour les membres de la communauté nationale en excluant les immigrés. Dans cette logique, l’immigration ne menace plus seulement la conservation de la culture et de l’identité (ce qui était l’argumentaire traditionnel de ces partis), mais aussi la soutenabilité de l’État-providence, mis à dure épreuve par la crise. Ce mélange d’arguments économiques et identitaires et la volonté de limiter l’accès à la solidarité collective aux membres de la nation font écho au sujet de mon livre.