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08 July 2022

Avec le conflit Russie-Ukraine, le renouveau des non alignés ?

Le professeur honoraire Jean-Luc Maurer analyse le clivage Nord-Sud dans la condamnation de la Russie et ses éventuelles conséquences sur le G20.

La guerre que la Russie a déclenchée le 24 février contre l’Ukraine vient de franchir le cap des trois mois et ne semble pas près de finir. Or, malgré l’unanimité des pays du bloc occidental, membres de l’UE ou de l’OTAN, et des alliés traditionnels des États-Unis en Asie orientale ou en Océanie pour condamner cette brutale invasion et les crimes de guerre et contre l’humanité auxquels elle a déjà donné lieu, la communauté internationale reste très divisée quant à la position à adopter sur cette affaire.

En effet, de nombreuses nations membres de l’ONU, appartenant en majorité au groupe historique dit des 77 créé en 1964 pour promouvoir le développement des pays dits « du Sud », restent dubitatives, hésitent à condamner la Russie et préfèrent camper sur une neutralité au premier abord troublante et difficile à comprendre.

Un clivage Nord-Sud dans la condamnation de la Russie
Dans un premier temps, la sidération provoquée par cette agression a pourtant suscité une certaine unanimité dans la condamnation. Ainsi, l’AG de l’ONU a voté le 2 mars une première résolution demandant à la Russie de « retirer immédiatement, complètement et sans condition toutes ses forces militaires », à une écrasante majorité de 141 voix favorables, face à seulement 5 oppositions et 35 abstentions.

Les cinq pays ayant voté contre cette résolution sont sans surprise la Russie elle-même, son vassal la Biélorussie, les régimes dictatoriaux pestiférés dépendants d’elle que sont la Syrie et l’Érythrée, ainsi que la sinistre Corée du Nord.

Toutefois, parmi les 35 pays qui se sont abstenus, on comptait déjà plusieurs des acteurs majeurs de la communauté internationale, dont la Chine et l’Inde, mais aussi le Pakistan, l’Iran, l’Afrique du Sud ou l’Algérie.

Le 7 avril, lors du vote d’une seconde résolution de l’AG proposant d’exclure la Russie du Conseil des droits de l’homme, seuls 93 pays se sont prononcés pour, 24 contre et 58 choisissant de s’abstenir.

Parmi les 24 pays qui ont voté contre, on retrouve les quatre qui avaient déjà soutenu la Russie précédemment, mais cette dernière a cette fois rallié à sa cause de nombreux pays d’Asie, à commencer par la Chine, suivie des frères communistes du Vietnam et du Laos, ainsi que de toutes les anciennes républiques soviétiques de l’Asie centrale, les alliés naturels d’Amérique du Sud que sont Cuba et le Nicaragua et des pays africains comme l’Algérie, le Mali, le Congo ou l’Éthiopie.

Cependant, c’est le nombre de pays s’étant abstenus qui est le plus parlant. On y retrouve la plupart des poids lourds démographiques et politiques du monde non occidental : l’Inde, l’Indonésie, le Pakistan, le Bangladesh, la Thaïlande, le Brésil, le Mexique, l’Égypte, l’Afrique du Sud, le Nigeria, l’Angola, le Mozambique, l’Arabie saoudite, le Qatar et Oman notamment. Six d’entre eux (Inde, Indonésie, Brésil, Mexique, Afrique du Sud et Arabie saoudite) sont même membres du G20, qui est plus divisé que jamais sur cette question puisque la Russie y bénéficie du soutien de la Chine.

Depuis lors, ce nouveau clivage Nord-Sud ne s’est pas démenti : les pays qui refusent de condamner fermement la Russie représentent donc les deux tiers de l’humanité. Plusieurs raisons complémentaires permettent d’expliquer et de comprendre cette situation.

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