Le sommet de l'Union européenne de la semaine passée a clairement mis l'accent sur la discipline budgétaire. Si la volonté de s'attaquer aux problèmes budgétaires de long terme est bienvenue, le traité offre une approche mal équilibrée qui risque de conduire l'Europe à un risque de récession prolongée.
Le traité se présente comme une version plus stricte des critères de Maastricht. Il renforce l'automaticité des amendes en cas de dépassement des déficits, et soumet l'application des règles d'équilibre budgétaires à l'examen de la cour européenne de justice. Notons tout d'abord que le mécanisme d'amende n'a que peu de sens, car y soumettre les pays en déficit ne fait qu'aggraver leur condition, et il est difficile d'imposer un tel paiement à des états souverains. En outre, les comptes publiques peuvent être présenté avec créativité, et la cour de justice n'est pas l'institution la mieux à même d'établir l'évaluation correcte des comptes des états. De plus, malgré le rôle donné aux institutions communautaires, l'accord représente avant tout une démarche directe entre gouvernements. Son élaboration entre quelques grands pays n'a pas donné voix aux petites nations. Une politique économique coordonnée en Europe serait plus lisible et plus soutenable si elle reflétait des règles gérées par les institutions europennes plutôt que des rapports de forces changeants entre nations.
Le problème majeur est la vision étroite de la politique économique. L'accent sur l'austérité et les limitations strictes des déficits est une approche trop partielle pour la crise de la zone euro. Rappelons que celle-ci reflète plus des déséquilibres de balance courante que des déficits publics à proprement parler. Suite à la création de l'euro, les pays du sud ont connu un boom à crédit financé par les pays du nord, au premier rang desquels l'Allemagne. Si cette dernière n'avait pas pu soutenir sa croissance par l'exportation, les réformes qu'elle a entreprises se seraient manifestées par un chômage plus marqué. Certes une situation de surplus et déficits substantiels ne peut pas durer. Le rééquilibrage doit toutefois combiner des politiques de réduction de la demande dans les pays débiteurs et de stimulation de la demande domestiques dans les pays créanciers, par exemple par le biais d'une politique monétaire expansionniste sur l'ensemble de la zone. Se limiter aux politiques d'austérité pour les débiteurs entraîne une récession prolongée, avec des pressions déflationnistes qui accentuent le fardeau de la dette.
Enfin, le nouvel accord ne fait pas mention du besoin d'une meilleure coordination de la supervision des intermédiaires financiers. Les déséquilibres de balance courante reflètent un afflux de capitaux des institutions financières du nord vers le sud. Une supervision de ces intermédiaires par une entité adoptant une vision d'ensemble des différents pays serait nettement préférable à l'arrangement actuel ou chaque nation supervise ses propres banques.
Membre du corps enseignant depuis 2007, Cédric Tille a précédemment été économiste au Département de recherche internationale de la Réserve fédérale de New York. Ses domaines d'expertise portent sur plusieurs aspects de la transmission internationale des fluctuations et politiques économiques: la globalisation financière et ses conséquences sur la transmission des fluctuations macroéconomiques; les déterminants de l’allocation des investissements financiers dans un contexte international et les conséquences sur les flux financiers; enfin, les déterminants de la dominance de certaines monnaies dans les échanges internationaux et les conséquences sur la conduite de la politique macroéconomique.
Le professeur Tille a été nommé au Conseil de banque de la Banque Nationale Suisse en février 2011.
Cet article est paru dans l'AGEFI, le 13 décembre 2011.
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