Lors d’un Point d’actualité organisé le 10 mai dernier à l’Institut, le professeur Nicolas Michel, ancien Secrétaire général adjoint aux affaires juridiques et Conseiller juridique des Nations Unies de 2004 à 2008, a rappelé que le concept de la « responsabilité de protéger » a été proposé en 2001 par une Commission créée par le Gouvernement du Canada et qu’il a été adopté par l’Assemblée générale des Nations Unies dans le document final du Sommet mondial de 2005.
Le Conseil de sécurité s’est référé au concept à plusieurs reprises au cours de l’année 2011, en particulier en relation avec les situations en Libye, en Côte d’Ivoire et au Yemen. En ce qui concerne la Libye, la responsabilité des autorités nationales de protéger leur population figure dans deux résolutions successives, la première déférant la situation au Procureur de la Cour pénale internationale et la deuxième autorisant le recours à la force armée. La controverse suscitée par l’intervention militaire, en particulier le lien opéré entre la protection de la population et le changement de régime, a eu des répercussions sur la gestion de la crise syrienne par le Conseil de sécurité. Deux résolutions faisant référence au concept de la responsabilité de protéger ont échoué au vote en raison des vetos respectifs de la Chine et de la Fédération de Russie.
L’état du débat sur la responsabilité de protéger est influencé à la fois par la controverse relative à l’intervention militaire en Libye et par une initiative intéressante du Brésil proposant l’adoption d’un concept complémentaire
(« Protection responsable » ou, dans sa version anglaise plus appropriée,
« Responsibility while Protecting ») développant les critères du recours à la force armée dans le contexte de la responsabilité de protéger.
En conclusion de ses propos, le professeur Michel souligne que l’abandon du concept de la responsabilité de protéger ne serait pas indiqué. D’abord, en raison du fait que les interpellations du Secrétaire général Kofi Annan ayant conduit à la création de la commission canadienne à la suite des échecs de la communauté internationale au Rwanda et à Srebrenica, et de la controverse issue de l’intervention militaire au Kosovo sans autorisation du Conseil de sécurité, demeurent pleinement actuelles, et que le concept de la responsabilité de protéger, malgré ses faiblesses, constitue un instrument utile de l’expression d’une nécessaire volonté politique. Ensuite, parce que le concept repose sur un socle étendu d’obligations juridiques existantes (droits de l’homme, droit international humanitaire, droit pénal international et droit de la responsabilité des Etats et des organisations internationales, sans oublier les règles spécifiques concernant le génocide, la torture ou d’autres exactions) et que l’effacement du concept ne changerait rien à ces obligations. Et enfin, parce que la disparition du concept ouvrirait la voie au retour de celui d’intervention humanitaire, qu’il devait remplacer et qui est certainement plus problématique.
Nicolas Michel est professeur associé à l’Institut et professeur ordinaire à la Faculté de droit de l’Université de Genève.