Quel a été votre parcours ?
En 2002, j’ai obtenu une licence en relations internationales à l’Institut, puis j’ai rejoint la délégation suisse près l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) à Paris, ce qui m’a motivée à me spécialiser en économie internationale. Attirée par la Genève internationale, je suis revenue à l’Institut pour un diplôme d’études approfondies (DEA). J’ai en parallèle rejoint le Secrétariat d’État à l’économie (SECO), dans la division Commerce mondial puis dans la division Politique économique. J’ai ensuite été détachée à la Mission de la Suisse auprès de l’Union européenne (UE) à Bruxelles pour les négociations commerciales avec l’UE, ce qui m’a incitée à passer le concours diplomatique. Au Département fédéral des affaires étrangères (DFAE), j’ai été en poste à Lima, Varsovie, Berne (négociations UE) et Londres (négociations post-Brexit). Depuis le 1er janvier, je suis l’ambassadrice de Suisse en Malaisie.
Dans quelle mesure ce que vous avez appris à l’Institut est-il utile pour votre carrière ?
La licence m’a apporté une capacité d’analyse interdisciplinaire et de pensée en réseau. Elle m’a également exposée à un environnement international. Le DEA en économie m’a apporté des connaissances approfondies en micro- et macroéconomie, indispensables pour travailler comme économiste.
Quelles sont les limites de la diplomatie traditionnelle alors que le multilatéralisme est en crise ? A-t-on besoin de changer de pratique?
Il est vrai que le multilatéralisme est sous forte pression avec une situation géopolitique très tendue et plus de 120 conflits dans le monde. Mais le bilan de la Suisse au Conseil de sécurité en 2023-24 l’a montré, il est nécessaire de continuer à s’engager pour faire respecter le droit international et le droit international humanitaire. Nos diplomates sont parvenus à obtenir des résultats en termes d’accès humanitaire en Syrie ou du renouvellement de l’opération de maintien de paix en Bosnie-Herzégovine. Une résolution pour la protection des humanitaires a été adoptée et un premier pas vers un cessez-le-feu à Gaza a été fait. L’année dernière, la Suisse a pris l’initiative d’organiser un sommet pour la paix en Ukraine. En 2026, elle assumera la présidence de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) pour la troisième fois, soulignant à nouveau l’importance du dialogue et de la coopération avec tous les États participants.
Le multilatéralisme reste donc au cœur de notre politique étrangère, malgré les difficultés. La diplomatie bilatérale est tout aussi importante dans un monde davantage fragmenté et polarisé. Il est essentiel d’entretenir des relations constructives avec toutes les régions du monde, ce d’autant plus dans un contexte moins occidental et moins démocratique.
Les nouvelles technologies font-elles évoluer la diplomatie ?
La Suisse est l’un des premiers pays à avoir défini une politique étrangère numérique. D’une part, la numérisation est un instrument permettant d’être plus efficace dans les services offerts aux citoyen·nes, par exemple en matière de prestations consulaires. D’autre part, elle devient une composante de notre politique étrangère, par exemple en soutien de la politique humanitaire. En effet, l’analyse des mégadonnées (big data) et une meilleure mise en réseau des acteurs concernés permettent d’assurer une réponse plus rapide et mieux adaptée aux besoins de la population en cas de crise ou de catastrophe naturelle. Les technologies numériques peuvent aussi offrir des avancées majeures dans le domaine de la promotion de la paix (PeaceTech) ou de la lutte contre la pauvreté (Tech4Good). C’est pourquoi la numérisation constitue aussi une priorité dans la stratégie suisse de coopération internationale.
La Genève internationale est idéalement positionnée pour jouer un rôle prépondérant dans la gouvernance numérique, raison pour laquelle la Suisse, en tant qu’ État hôte de nombreuses organisations internationales, mais aussi au bénéfice de conditions-cadres favorables au développement d’applications et de technologies numériques, s’engage pour la réglementation du comportement des acteurs, et non pas de la technologie elle-même. À cet égard, la diplomatie scientifique joue un rôle-clé en facilitant les échanges entre les acteurs qui définissent les règles et ceux qui développent les technologies. La fondation Geneva Science and Diplomacy Anticipator (GESDA) en est un très bon exemple.
Cet article a été publié dans Globe #35, la Revue de l'Institut.