news
Research
16 March 2017

Thèse de doctorat sur les formations maritimes en droit international

Christine Pichel Medina fait le point du régime des îles, rochers et hauts-fonds découvrants.


En octobre dernier, Christine Isabelle Pichel Medina a soutenu sa thèse de doctorat intitulée «Le régime des îles, rochers et hauts-fonds découvrants en droit international» devant un jury présidé par le professeur honoraire Pierre-Marie Dupuy et composé du professeur Marcelo Kohen, directeur de thèse, du professeur Zachary Douglas et du professeur honoraire Tullio Treves, de l’Université de Milan. Elle répond à nos questions sur sa recherche, qui porte non seulement sur les aspects normatifs du régime des îles, rochers et hauts-fonds découvrants, mais également sur les aspects techniques liés au développement des sciences de la terre, en l’occurrence l’hydrographie.

Qu’est-ce qui vous a incitée à étudier le régime des îles, rochers et hauts-fonds découvrants?

Il m’a toujours semblé intéressant d’étudier les interactions entre le droit international et les faits de la nature, tels que la naissance d’une île à la suite de l’éruption d’un volcan sous-marin au milieu de la mer et les conséquences juridiques attachées à ce phénomène naturel. Par exemple, dans ce cas de figure, diverses questions juridiques se posent à cet égard: À qui appartient cette île? Est-elle capable de générer des espaces maritimes? Est-ce qu’un État a le droit d’exploiter les ressources naturelles situées dans les zones maritimes de cette île? Le droit de la mer et le droit des conflits territoriaux m’ont précisément offert un moyen d’explorer ces interactions et la façon dont le droit international traduit une réalité géographique dans le langage juridique qui lui est propre. Les faits de la nature sont donc des phénomènes qui échappent au contrôle humain mais qui peuvent avoir des conséquences juridiques et pratiques en droit international.

En outre, j’ai voulu faire une recherche qui dépassait le domaine juridique pour me pencher sur des questions qui n’ont apparemment rien à voir avec le droit alors qu’elles exercent bel et bien une influence sur le contenu des règles juridiques en la matière. Par exemple, lorsque j’ai étudié la définition du mot «île» au sens juridique du terme, j’ai dû également étudier des manuels d’hydrographie pour comprendre comment le calcul du niveau de la mer se fait et comment il a conditionné la définition actuelle du mot «île» en droit international.

Et qu’avez-vous découvert?

Tout d’abord, je me suis rendu compte que les rapports entre les faits de la nature et le droit international peuvent s’avérer très complexes, notamment parce que la géographie, au sens des éléments qui constituent la réalité physique, est par nature instable et change au fur et à mesure que le temps passe. Nous pouvons mentionner le rétrécissement ou l’avancement des côtes ou la disparition d’une île, des phénomènes naturels qui peuvent être dus au long processus de sédimentation, à l’élévation du niveau de la mer, à l’érosion ou à l’action des vagues. De même, la géographie n’est pas la même partout dans le monde. Ce qui ajoute des problèmes supplémentaires pour l’application des règles juridiques dans la matière.

Ensuite, tout au long de ma recherche, j’ai remarqué que la doctrine majoritaire a très souvent négligé des aspects qui revêtent un caractère fondamental, comme par exemple la genèse et le développement des règles juridiques dans le domaine en question. Il est en effet très utile de retracer l’évolution législative des normes juridiques car, en l’occurrence, le texte des conventions ne suffit pas à lui-même pour comprendre le contenu actuel des normes.

Finalement, je suis arrivée à la conclusion que des questions essentielles restent toujours ouvertes sur le plan pratique – par exemple celle de savoir si l’État qui perd une île à cause de la montée du niveau de la mer pourrait néanmoins conserver son droit à l’exploitation des ressources naturelles autour des espaces maritimes appartenant à cette île, même si physiquement elle n’existe plus.

Votre recherche aide sans doute à mieux comprendre les conflits maritimes qui marquent l’actualité.

Le sujet de ma recherche est d’une grande actualité en raison des conflits en cours ou potentiels concernant des îles, rochers et hauts-fonds découvrants. On peut citer le conflit en mer de Chine méridionale autour des îles Spratleys, qui implique des pays tels que la Chine, les Philippines ou le Vietnam. J’ai d’ailleurs écrit un article sur la sentence rendue le 12 juillet 2016 par un tribunal constitué sous l’égide de la Cour permanente d’arbitrage dans le cadre de l’Arbitrage relatif à la mer de Chine méridionale entre les Philippines et la Chine. On peut aussi mentionner Okinotorishima, une élévation qui appartient au Japon et dont le statut juridique est controversé.

Référence complète de la thèse: Pichel Medina, Christine Isabelle. «Le régime des îles, rochers et hauts-fonds découvrants en droit international». Thèse de doctorat, Institut de hautes études internationales et du développement, 2017.

Illustration: Le récif de Subi, dans les îles Spratleys en mer de Chine méridionale, mai 2015. Photo de la United States Navy [Public domain], via Wikimedia Commons.