De nationalité suisse et canadienne, Laure Waridel est doctorante en anthropologie et sociologie du développement. Alors qu’elle apprend qu’elle est l’une des 15 lauréates d’une bourse d’études de la prestigieuse Fondation Pierre Elliott Trudeau, le titre de docteur honoris causa lui est conféré par l’Université du Québec « pour sa contribution remarquable à l’éveil de la société québécoise aux questions de justice sociale et d’ouverture à la diversité ; pour sa détermination, son sens critique constructif et son engagement social ; pour avoir réussi à alimenter la réflexion sur les débats sur l’environnement au Québec et pour son implication dans la Fondation Equiterre ».

Quel a été votre parcours ?

Je suis née en 1973 en Suisse, mais mes parents ont immigré au Québec lorsque j’avais 2 ans. J’ai étudié la sociologie à l’Université McGill et j’ai obtenu à l’Université de Victoria une maîtrise en environnement. Je suis actuellement doctorante à l’Institut sous la codirection des professeurs Isabelle Schulte-Tenckhoff, de l’Institut, et Eric Pineault, de l’Université du Québec à Montréal (UQAM). Mon travail de thèse a pour titre « Structures sociales et processus d’institutionnalisation d’une économie sociale écologique ».

Depuis une quinzaine d’années, je m’intéresse et participe à l’émergence d’alternatives économiques à la fois écologiques et équitables. En 1993, j’ai cofondé Equiterre, une organisation sans but lucratif dont la mission est d’inciter les citoyens, les organisations et les gouvernements à faire des choix écologiques, équitables et solidaires. J’ai écrit quelques livres sur le sujet, notamment L’Envers de l’assiette ainsi que Acheter, c’est voter, et j’ai été très présente sur la place publique afin de faire avancer ces idées.

Pourquoi avez-vous décidé de poursuivre vos études à l’Institut ?

J’ai toujours pensé que je reviendrais un jour dans le pays où je suis née. J’avais également envie d’étudier en français et de m’imprégner d’une vision plus européenne, ayant étudié uniquement dans le système anglo-saxon canadien. La réputation de l’Institut et les commentaires d’amis qui y étudient m’ont incitée à présenter ma candidature. Les travaux des professeurs Jacques Grinevald en écologie globale, Jean-Michel Servet en économie solidaire, Marc Hufty et Liliana Andonova sur la gouvernance écologique ont particulièrement attiré mon attention.

Pouvez-vous décrire votre projet de thèse et ses enjeux ?

A la lumière des connaissances scientifiques actuelles, il est devenu impératif d’articuler un modèle de développement réconciliant viabilité écologique, sociale et économique. Si la proposition du développement durable a eu la capacité de nourrir des initiatives politiques, économiques et législatives importantes, il semble que la transition vers une donne économique réellement viable implique un ensemble de transformations plus fondamentales. Je cherche à savoir si la multiplication d’initiatives s’inscrivant dans la foulée du développement durable, promues par des citoyens à petite échelle, des organisations de la société civile, des entreprises et des gouvernements sur le plan local comme global, contribue ou non à l’édification d’un nouveau paradigme économique écologique et socialement équitable. Telle est la question maîtresse guidant cette recherche qui souhaite participer à la conceptualisation d’une « économie sociale écologique » que je perçois comme étant en croissance sur le terrain, mais encore marginale face à l’économie dominante et relativement peu présente dans la littérature scientifique.

Quels sont vos projets pour l’avenir ?

Je souhaite continuer à mettre ma tête et mon cœur au service d’une plus grande justice sociale et écologique. Une remise en question de l’ordre économique dominant s’impose donc. A mes yeux, elle gagne à être faite par la mise sur pied d’alternatives à la fois écologiques et socialement équitables. Une fois mon doctorat terminé, j’aimerais contribuer à la construction de ponts entre le milieu scientifique et le milieu citoyen. La recherche, l’enseignement et l’écriture me permettront de poursuivre mon engagement pour un avenir plus équitable et plus écologique.