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14 February 2022

Vladimir Poutine et l'Ukraine

Le professeur Andre Liebich analyse l'évolution des rapports entre la Fédération de Russie et l'Ukraine.

Poutine, comme beaucoup de Russes, estime que l’Ukraine n’est pas un « vrai pays ». En juillet 2021 il a signé un article sur sa page web, donc destiné à être largement connu, «  l’unité historique des Russes et des Ukrainiens ». Passant en revue mille ans d’histoire, il a conclu que parmi les multiples ennemis auxquels les Ukrainiens et les Russes avaient dû faire face se trouvaient les Polonais. Aujourd’hui, la Pologne est le premier des pays de l’OTAN à reprocher au président américain, Joe Biden, sa politique d’apaisement et sa volonté de trouver une solution diplomatique plutôt que militaire à la crise actuelle.

L’histoire, telle que racontée par Poutine, est assez classique. Kiev, capitale de l’Ukraine et lieu de la christianisation tant des Russes que des Ukrainiens, est leur ancêtre commun. Il est vrai qu’à l’époque soviétique il y avait plus d’églises orthodoxes en Ukraine qu’en Russie et, malgré les efforts ukrainiens pour créer une Église nationale, le patriarcat de Moscou reste dominant. La langue ukrainienne est très proche du russe et le nombre de Russes aux noms ukrainiens est immense, résultat d’un processus séculaire de mariages et de migrations entre l’Ukraine et la Russie. D’ailleurs, à la veille de la « révolution de la Dignité » de 2014 en Ukraine, le pays comptait plus de livres publiés en russe qu’en ukrainien. Le nombre de Russes en Ukraine a beau fléchir, tout Ukrainien éduqué, qui ne parle pas le sourjyk, mélange de bas niveau entre le russe et l’ukrainien, est parfaitement russophone.

Poutine a peut-être eu raison dans le passé. Il n’a plus raison dans le présent. Le pourcentage d’Ukrainiens qui désirent rejoindre l’OTAN est monté de 20% à 62% dans les dernières années et a dû monter encore depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Le président Zelensky, vu au départ comme bien disposé envers la Russie, s’est rallié au camp pro-OTAN et se présente aujourd’hui comme véritable chef de guerre La conscience nationale ukrainienne s’est énormément développée, largement sous la menace russe, et le processus d’ukrainisation dans les médias, l’éducation et ailleurs va bon train. Poutine plaide la sécurité et le principe que tout pays doit tenir compte de l’avis de ses voisins avant de prendre des décisions à portée internationale. La position des États-Unis et du reste de l’OTAN, confirmée par écrit, est que chaque pays est souverain et que ses décisions ne concernent que lui.

Poutine prétend n’avoir pas de problème à reconnaître l’État ukrainien distinct de la Fédération de Russie. Une ambassade russe a longtemps fonctionné à Kiev. Il exprimait encore récemment le souhait que les relations russo-ukrainiennes soient aussi harmonieuses que les relations entre les États-Unis et le Canada ou entre l’Autriche et l’Allemagne. Visiblement, il ignore les différences de situation.

Entretemps, l’Ukraine se débat furieusement pour renforcer ses positions et obtenir les armes dont elle estime avoir besoin.

Cet article a été publié dans Globe #29, la Revue de l'Institut.