news
Executive Education
24 May 2022

Croiser les regards et les discours

De passage à Genève pour suivre le module 3 de leur formation, les 76 participant·e·s à nos programmes exécutifs en politiques et pratiques du développement (DPP), provenant de 38 pays, ont eu l’occasion de visiter l’exposition temporaire du Musée d’ethnographie de Genève (MEG) intitulée « Injustice environnementale – Alternatives autochtones ». L’occasion de faire le point sur le rôle du musée et le nouveau lien qu’il entend tisser avec son public, ses partenaires et la Genève internationale.

Entretien avec Laurence Berlamont-Equey, responsable de la communication et des relations presse.

Comment définissez-vous le Musée d’ethnographie de Genève ?
Depuis quelques années déjà, le musée opère un tournant. Nos expositions et programmes d’activités culturelles étaient auparavant principalement axés sur des peuples et des cultures. Aujourd’hui, nous abordons des problématiques sociétales et environnementales globales à travers la multiplicité des regards des peuples et des cultures.

Un autre changement important est que nous ne nous positionnons plus comme le musée qui sait, mais comme le musée qui donne la voix aux autres, qui collabore. Nous sommes vraiment en interaction avec les porteurs et porteuses de culture avec qui nous co-construisons nos expositions. Nous ouvrons également nos réserves d’objets aux descendant·e·s de celles et ceux qui les ont créés et entamons le dialogue avec elles et eux.

Enfin, nous accordons une extrême importance à engager la discussion avec notre public et à le pousser à la réflexion. Nos visiteurs et visiteuses sortent très souvent ému·e·s de nos expositions et veulent en savoir plus. Notre rôle est de les encourager et les guider dans cette voie.

Pouvez-vous nous parler de l’exposition actuelle, « Injustice environnementale – Alternatives autochtones » ?
Cette exposition aborde l’urgence climatique sous un angle totalement nouveau. Elle a été cocréée par des équipes du MEG et des dizaines de représentant·e·s de communautés autochtones à travers le monde. Elle donne la parole à des hommes et des femmes qui partagent le même souci de pouvoir contrôler leur territoire et le préserver des dégradations accélérées par le changement climatique.

Ces communautés vivent traditionnellement en symbiose avec leur écosystème et ont développé une culture de respect et de soin de la nature, conscientes de leur devoir de la préserver pour faire perdurer notre monde. L’exposition présente comment leurs savoirs et savoir-faire peuvent être mobilisés pour protéger l’environnement et démontre qu’une autre relation à notre planète est possible.

Partagez-vous la vision de Pascal Hufschmid, directeur du Musée international de la Croix-Rouge et du croissant-Rouge, qui affirmait dans un article du Temps paru en avril 2020 : « Il faut déconstruire. Le musée n’est pas un temple du savoir, de l’expertise. Ce ne doit pas être une bulle réservée à un public d’initié·e·s » ?
Oui, tout à fait ! En collaborant avec les autres pour construire nos expositions, nous ne nous positionnons de facto plus comme un temple du savoir et de l’expertise. Un collègue prépare actuellement un cycle de visites de notre exposition permanente avec des guides migrants qui vont porter leur propre regard sur leurs objets d’origine (ou d’autres origines). L’idée est donc de s’appuyer sur le savoir des autres et non plus uniquement sur celui de nos équipes qui tirent leur légitimité de leurs études et de leurs apprentissages.

Je peux vous citer un autre exemple : nous venons d’accueillir un groupe d’Australiens et Australiennes issu·e·s de différentes communautés aborigènes pour étudier nos collections. Ce type de rencontre est l’occasion de vrais échanges. Parfois, ce sont les porteuses et porteurs de culture qui se réjouissent de pouvoir recueillir des informations sur l’histoire de leurs objets et parfois, c’est nous qui complétons les informations sur les objets de nos collections grâce à leurs apports.

Comment comptez-vous valoriser l’exposition actuelle au-delà des murs du musée, en particulier au sein de la Genève Internationale ?
Beaucoup de journalistes viennent au MEG pour enrichir leur sujet d’article et l’élargir, qu’il traite du développement durable ou de l’urgence climatique. Mais nous nous efforçons surtout de faire connaître notre exposition au plus grand nombre, en particulier à travers nos réseaux sociaux qui véhiculent du contenu et des vidéos. On y explique notamment notre manière de travailler et les relations que nous mettons en place.

Nous collaborons également avec des hautes écoles, des universités et des organisations internationales. Je travaille actuellement sur le montage d’une exposition de photos avec l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI). Dans le cadre d’un concours, l’OMPI a demandé à de jeunes photographes autochtones à travers le monde de poser leur regard sur leur environnement et ses transformations. Les photos lauréates seront exposées dans les jardins du MEG au début du mois de juin, jusqu’à la fin de notre exposition (21 août 2022).

Quel message souhaitez-vous transmettre aux étudiant·e·s en DPP ?
Le même message que nous transmettons à notre public ! Nous les encourageons à sortir de leurs murs et du cadre universitaire, et à aller voir ailleurs. Le MEG, comme d’autres lieux, permet de s’ouvrir et de croiser divers regards et discours. Il est important que les étudiant·e·s cultivent cette ouverture et ne se contentent pas du savoir transmis par leurs professeur·e·s.