news
faculty & experts
15 September 2021

Entretien avec le professeur Marcelo Kohen récemment réélu au poste de secrétaire général de l’Institut de Droit international (IDI)

Marcelo Kohen, professeur de droit international à l'Institut, rappelle la mission de l'IDI et ses liens historiques avec l’Institut. 

L’Institut de Droit international, dont vous avez été réélu secrétaire général, a tenu sa 80e session. Pouvez-vous nous rappeler quelle est sa mission et quels travaux ont été à l’agenda de cette année ?

L’Institut de Droit international est la plus ancienne institution dans son domaine. Nous célébrerons en 2023 son 150e anniversaire. Il est constitué par un nombre maximum de 132 membres, élu·e·s parmi les plus réputé∙e∙s internationalistes du monde entier.

C’est une institution indépendante et exclusivement scientifique. Sa mission est de favoriser le progrès du droit international. Il a reçu le prix Nobel de la paix en 1904. Il continue d’assister la communauté internationale par ses résolutions sur des questions spécifiques de droit international public et privé et contribue largement au développement progressif et à la codification du droit international.

Ses sessions plénières ont lieu tous les deux ans ; l’on y discute et approuve des projets élaborés par leurs commissions. La 80e session a discuté et adopté en priorité une résolution sur les épidémies, les pandémies et le droit international.

Nous avons été la première institution dans notre domaine à réagir face à la crise créée par la COVID-19 et en mars 2020 nous avons constitué une commission qui a travaillé sans relâche en vue de l’adoption de cette résolution. Nous espérons que son contenu aura un impact dans les discussions des États au sein des organisations internationales, en particulier l’OMS, l’OMC, l’OMPI et naturellement les Nations Unies.

La 80e session a adopté trois autres résolutions : une résolution sur l’interprétation évolutive des instruments constitutifs des organisations internationales du système des Nations Unies par leurs organes, une autre sur les droits de la personne humaine et le droit international privé et la dernière sur l’administration internationale des territoires.

Quels sont les liens historiques entre l’Institut et l’IDI et quel a été l’apport des membres de l’Institut à la 80e session ?

De nombreux membres de l’Institut de Droit international ont été ou sont professeur∙e∙s à l’Institut.

Depuis 2015, je suis le quatrième professeur de l’Institut à avoir été élu secrétaire général. Mes prédécesseurs sont Hans Wehberg (1950-1962), Paul Guggenheim (1962-1963) et Christian Dominicé (1991-2003).

Depuis 1993, notre bibliothèque est dépositaire des archives de l’IDI. Les relations entre les deux instituts sont régies par la convention du 13 octobre 2009.

Lors de la 80e session, George Abi-Saab a été élu membre honoraire après 30 ans de participation active aux travaux de l’IDI.

Lucius Caflisch, également professeur honoraire de l’Institut, a une nouvelle fois fait partie du comité de rédaction. Pierre-Marie Dupuy, professeur durant plusieurs années à l’Institut, a été membre du jury du prix institué par James Brown Scott.

Enfin, Jorge Viñuales, professeur associé, est actuellement rapporteur de la commission « Justice distributive et développement durable ».  

Quels sont les résolutions les plus marquantes de l’IDI et pourquoi ?

Il est difficile d’établir une hiérarchie, de nombreuses résolutions ont marqué l’évolution du droit international dans différents domaines.

Le Prix Nobel de la Paix lui a été décerné en 1904 en reconnaissance de ses résolutions en faveur de l'arbitrage international. Ses résolutions ont par exemple largement influencé les conventions adoptées lors des Conférences de Paix de La Haye de 1899 et 1907.

La « Déclaration des droits internationaux de l’homme » de 1929 a placé les droits de la personne humaine sur le plan international presque deux décennies avant l’adoption par l’ONU de la Déclaration universelle (et malgré sa terminologie, elle reconnaissait les droits sans distinction de sexe).  Les Nations Unies ont créé sa Commission du droit international en 1947 s’inspirant largement des travaux de l’Institut. Les travaux de l’IDI ont servi de base à de nombreux projets adoptés par la Commission du droit international.

Comment voyez-vous l’évolution de l’Institut de Droit international dans le contexte mondial actuel ?

Comme secrétaire général, mes efforts visent à installer cette ancienne institution dans le monde du 21e siècle et à relever les défis contemporains. On constate ces dernières années une majeure diversité dans sa composition, tant du point de vue du genre que de la répartition géographique de ses membres, même si des efforts restent encore à faire dans cette direction.

Grâce à son indépendance, l’IDI peut discuter et adopter des textes qui contribuent à signaler le chemin pour rendre le droit international responsif à des questions d’actualité.

J’ai mentionné la résolution adoptée il y a quelques jours sur les pandémies. En 2017, par exemple, nous avons adopté une résolution sur les migrations de masse.

Lors de la 80e session, nous avons créé de nouvelles commissions pour élaborer des textes sur l’applicabilité du droit international aux activités dans le cyberespace et nous allons approfondir nos travaux en lien avec les pandémies avec l’étude du rôle du droit international dans les techniques de réduction, l’accès aux vaccins et aux médicaments, avec un accent sur le droit de la propriété intellectuelle.