Les organisations de microfinance répondent-elles aux besoins de services financiers des populations rurales ? Quels sont les moyens et les stratégies mis en place par rapport aux objectifs affichés de lutte contre la pauvreté ? L’enquête de Théophile Sossa au Bénin, menée sous la direction du professeur Jean-Michel Servet, révèle que la forte focalisation sur la rentabilité des organismes de microfinance n’autorise guère une offre accessible aux plus pauvres.
Interview de l’auteur de cette nouvelle parution dans la collection des eCahiers de l’Institut :
Quel éclairage particulier votre étude apporte-t-elle aux débats actuels sur la microfinance ?
La microfinance comme instrument de croissance économique et de réduction de la pauvreté est sous le feu de la critique. En effet, après trente ans d’expérience, aucun travail scientifique sérieux n’est parvenu à prouver les liens positifs entre microfinance, croissance et réduction de la pauvreté, qui puissent être généralisés ne serait-ce qu’à une échelle communautaire. Mon travail montre que l’offre de services financiers est inadéquate aux besoins des populations, et que cette inadéquation constitue une des limites majeures en matière de réduction de la pauvreté. Par ailleurs, la microfinance est focalisée sur les activités commerciales les plus rentables – au détriment de secteurs productifs tels que l’artisanat et l’agriculture –, ce qui freine la croissance et présage des crises de surendettement.
En quoi l’exclusion sociale et les inégalités doivent-elles être prises en compte pour mettre en place des programmes de microcrédits efficaces ?
Dans les pratiques les plus répandues de la microfinance, la pauvreté est traitée comme un handicap économique, une incapacité des individus à tirer profit des opportunités du marché. Le microcrédit est donc pensé comme un instrument devant résoudre cet handicap économique. C’est une erreur ! Dans les années 1970, tous les pauvres devaient créer des microentreprises et générer des revenus grâce au microcrédit. Dans les années 1990, certains « pauvres » ont été classés comme « très pauvres », incapables de rembourser les prêts. Ils ont donc été exclus du système, dans l’espoir d’une amélioration mécanique de leurs conditions de vie grâce aux activités des « moins pauvres ». L’erreur initiale persiste aujourd’hui. Il faudrait au contraire concevoir la pauvreté comme produit de l’exclusion, des inégalités et de la vulnérabilité afin de trouver des réponses politiques. La microfinance est une des réponses parmi d’autres. Elle peut jouer un rôle fondamental en tant qu’instrument d’intermédiation financière. Sa fonction est d’offrir un ensemble de services diversifiés qui répondent aux besoins de toutes les personnes en marge de la finance classique, et non pas d’agir comme un instrument de réduction de la pauvreté. Dans les démocraties de marché, la microfinance ne fait que reproduire les inégalités et les exclusions.
Théophile Sossa, La microfinance au Bénin, eCahiers de l’Institut n°10, 2011, EAN 9782940415854 ; DOI : 10.4000/iheid.334
Théophile Sossa est actuellement doctorant à l’Institut. Son sujet de thèse porte sur l’étude des modèles alternatifs d’assurance santé en Afrique de l’Ouest. Ses intérêts de recherche sont la microfinance, les flux financiers internationaux et la protection sociale.
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