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16 December 2022

Le mouvement révolutionnaire iranien : de l’effondrement idéologique khomeyniste au changement de régime ?

Clément Therme, chargé de cours à l’Université Paul Valéry de Montpellier et docteur en relations internationales de l’lnstitut de hautes études internationales et du développement (2011) offre une perspective historique de la crise politique actuelle.

L’Iran est confronté à une crise politique qui trouve ses racines dans l’émergence d’un régime théocratique en 1979. La propagande de la République islamique tente de présenter une grille de lecture des événements en une fausse alternative entre, d’un côté, la survie du régime et, de l’autre, le chaos. Cette stratégie de la peur se construit autour de l’incertitude sur une possible après-République islamique. Ce discours officiel ne parvient néanmoins plus à masquer l’incapacité du régime à sortir des cycles manifestations-répressions depuis la crise de légitimité du Mouvement Vert en 2009. De plus, le moment révolutionnaire de l’automne 2022 est à la fois un révélateur des mécontentements sous-jacents depuis 1979 et la synthèse des mouvements précédents (combats pour l’égalité hommes-femmes, motifs économiques, demandes de démocratisation, révolution citoyenne). Du fait de sa dimension révolutionnaire, le mouvement actuel peut être comparé avec la situation iranienne de 1977-1978. En effet, il s’agissait alors de « penser l’impensable » c’est-à-dire la chute du régime impérial. Cette incapacité des observateurs de l’époque à anticiper la chute de la monarchie iranienne s’explique alors par trois erreurs d’analyse dans la perception occidentale de l’époque. 

D’abord, les services de renseignement américains surestiment le poids de l’appareil de sécurité de l’Etat menacé par le soulèvement populaire. C’est une perception qui reste dominante aujourd’hui sous la République islamique à la différence notable par rapport au régime précédent : l’ordre d’organiser une répression massive a été donné alors que le shah d’Iran avait refusé la perspective de la constitution d’une junte militaire. Ensuite, les observateurs de l’époque sont incapables d’identifier une alternative dans les mouvements d’opposition ce qui est également le cas à l’automne 2022 avec le discours dominant sur l’absence d’alternative ou de forces d’opposition implantées en Iran contre la République islamique. Enfin, les chutes du Shah comme celle de la République islamique ont été annoncées à plusieurs reprises et il existe donc un scepticisme généralisé sur la question du « début de la fin » des régimes politiques. Enfin, le régime de la République islamique s’appuie sur la comparaison avec la Révolution syrienne de 2011 pour faire peur et générer de l’incertitude sur l’après-République islamique.

Ce qui est inédit à l’automne 2022, c’est le surgissement dans le débat public occidental de la question du changement de régime en Iran : non pas une politique de regime change depuis Washington, comme à l’ère des néoconservateurs américains (2000-2008), mais un changement de régime par le bas en Iran qui serait le fruit de la transformation sociale à l’intérieur du pays et d’un désir clairement exprimé par la majorité de la population.

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