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22 April 2013

Les armes sous contrôle

Le professeur Keith Krause s'exprime sur la prolifération des armes dans le monde.

Keith Krause

On estime leur nombre à 875 millions dans le monde. Les armes à feu sont partout. Elles tuent chaque année entre 200 000 et 300 000 personnes. «Un fardeau mondial», selon le Small Arms Survey.

Le Small Arms Survey est un centre de recherche indépendant mis en place à Genève par l’Institut de hautes études internationales et du développement (IHEID). Le point avec son directeur, Keith Krause, également professeur de relations internationales à l'Institut.

Le Temps: Le Traité sur le commerce des armes (TCA) a finalement été adopté le mois dernier par l’Assemblée générale de l’ONU. Change-t-il fondamentalement la donne, comme certains l’ont dit? Y aura-t-il un avant et un après-TCA?

Keith Krause: Il y aura certes un «après-TCA», mais cela ne sera pas visible avant quelques années. Il faudra trois à cinq ans pour que le traité entre en vigueur dans un nombre réduit d’Etats. Mais progressivement, il sera aussi assimilé plus largement car la pression générale va s’accroître et forcer tous les Etats à justifier leur comportement en matière de transfert d’armes. Notez que tout cela s’inscrit dans un processus à très long terme, puisque les premières discussions à ce sujet ont eu lieu à Genève, sous l’égide de la Société des nations, dans les années… 1920. Le traité va mettre en place un cadre légal, dans lequel on pourra discuter de la politique des autres Etats. C’est un formidable outil pour harmoniser les pratiques et, à long terme, pour avoir un réel impact. Les armes légères et de petit calibre ne forment qu’une petite partie de l’ensemble des armes conventionnelles concerné par le traité, qui comprend aussi les chars de combat, les avions, etc. Mais c’est la part la plus importante actuellement. Alors que les armes lourdes s’échangent essentiellement entre les Etats occidentaux, les petites armes vont du Nord vers le Sud. Désormais, chaque Etat devra réfléchir non seulement au destinataire des armes, mais aussi aux retransferts vers d’autres pays. En cas de fin de conflit, par exemple, il s’agira de savoir qui stockera les armes, à qui elles pourraient éventuellement être revendues, ou qui se chargera de les détruire…

A terme, pourrait-on envisager que les dispositifs de ce traité puissent servir à mettre un terme à des conflits, telle la Syrie actuellement?


C’est difficile à croire. Même avec un très, très bon traité, il restera toujours une large place à l’interprétation, y compris au sein même de chaque Etat. Dans les années 1970, par exemple, le président américain Jimmy Carter avait mis en place une politique très restrictive en matière de livraison d’armes. Or, cette politique était diversement traduite au sein même de son gouvernement. Ce qui est très important, c’est que les armes restent entre les mains des autorités ou des personnes compétentes et qu’elles ne soient pas réaffectées ailleurs, une fois le conflit terminé. Sur cette question, il y a beaucoup à faire, ne serait-ce que pour harmoniser la documentation servant à assurer la traçabilité des armes.

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Propos recueillis par Luis Lema.
Cet entretien a été publié dans Le Temps du 22 avril 2013.

Keith Krause est professeur de relations internationales et de science politique à l’Institut et directeur du Centre on Conflict, Development and Peacebuilding ainsi que du Small Arms Survey.