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Globe, the Graduate Institute Review
19 October 2021

UE-Suisse : quel futur après l’abandon de l’accord-cadre ?

Une analyse de Cédric Dupont, professeur de relations internationales/science politique.

Les relations entre la Suisse et ses voisins pourraient se résumer à la quête d’un savant dosage d’intégration et d’indépendance. 

Depuis les premières tentatives d’association dans les années 1960, ce dosage a progressivement évolué vers davantage d’intégration, au risque d’irriter la frange, parfois majoritaire dans l’isoloir, des gardiens de la sacro-sainte indépendance nationale, avec comme conséquences des sanctions périodiques de la politique européenne des autorités fédérales.

Si l’enlisement actuel des relations découlant de l’arrêt des négociations en vue d’un accord-cadre n’est donc pas le premier soubresaut des relations entre la Suisse et l’Union européenne, il se démarque des précédents par le fait que c’est le Conseil fédéral qui a tiré la prise, ne pensant pas pouvoir soumettre au vote un accord qui répondrait aux demandes émises par les plus vocaux opposants, les syndicats et le parti de la droite dure, l’UDC.

Il se retrouve ainsi dans une situation de responsable principal et non pas de victime d’un vote populaire qui lui permettait de continuer à entretenir un certain crédit de confiance auprès de ses interlocuteurs européens.

D’une certaine manière, on pourrait y voir le mérite de la clarté, avec l’admission que la voie bilatérale est une impasse politique, qu’on ne peut à terme continuer à faire croire à l’externe et à l’interne qu’on arrivera à ménager la chèvre et le chou.

Mais ce n’est pas vraiment ce qui ressort de la communication du Conseil fédéral à l’UE lorsqu’il « souhaite qu’il soit possible de développer un agenda commun sur la base des accords bilatéraux actuels ».

Pas question donc d’impasse politique, les accords bilatéraux multiples restent la base des relations avec les voisins européens. Mais que fait-on lorsque ces voisins veulent, avant de renforcer les accords existants, les intégrer dans un tout dynamique ?

Soit on revient à la table de négociation, soit on se satisfait des accords existants.

La première option aurait un prix politique interne et externe et aboutirait à un accord aux termes certainement moins favorables que l’accord paraphé en 2018.

La seconde mènerait à une érosion des avantages conférés à la Suisse par les traités bilatéraux actuels suite à un fossé entre les cadres réglementaires européens et suisses.

Le Conseil fédéral ne pourra pas tergiverser très longtemps.

S’il choisit la première option, il doit se préparer à une campagne de ratification dure et s’y plonger corps et âme.

S’il choisit la seconde option, il devra se préparer à soutenir les milieux qui feront face aux discriminations européennes, avec une incidence budgétaire notoire dans un contexte déjà très expansionniste.

Difficile de voir à ce jour un Conseil fédéral prêt pour l’une ou l’autre de ces options.

Cet article a été publié dans Globe #28.