Dans les années 2010, la Suède a été marquée par un bouleversement démographique avec l’arrivée d’environ 500 000 demandeurs d’asile et réfugiés en l’espace d’une décennie, la plupart venant d’Irak et de Syrie. Outre les interprétations politiques qui découlent de ce qui a communément été nommé la « crise des réfugiés », les communautés évangéliques et pentecôtistes produisent des lectures eschatologiques de cette séquence historique. Exhumant des prophéties partagées par certaines figures religieuses scandinaves à la sortie de la Seconde Guerre mondiale, les évangéliques postulent un rôle eschatologique particulier de l’Union européenne, et dessinent les contours d’une sorte de « destinée manifeste » pour la Suède. Il convient de revenir sur les interprétations politico-religieuses divergentes de ces événements dans la nébuleuse évangélique suédoise. Une attention particulière sera portée sur une communauté qui estime avoir un rôle singulier à jouer dans le plan de Dieu : celle des pentecôtistes arabophones de Stockholm. Ces derniers viennent de régions desquelles doivent jaillir, selon les prophéties bibliques, des « bénédictions pour le monde ».

Emir Mahieddin est anthropologue, chargé de recherche au CNRS et membre du Centre d’études en sciences sociales du religieux (CéSor), basé à l’EHESS à Paris. Il est spécialiste des christianismes évangéliques et pentecôtistes en Europe du Nord. Il est l’auteur de Faire le travail de Dieu. Une anthropologie morale du pentecôtisme en Suède (2018, Karthala) et a récemment coordonné un dossier thématique de la revue Multitudes sur les engagements politiques des évangéliques, « Évangéliques : combien de divisions ? » (2024).

La chaire Yves Oltramare Religion et politique dans le monde contemporain a pour mission d’apporter une contribution scientifique majeure à l’analyse de l’impact des rapports entre religion et politique sur l’évolution des sociétés et du système international.